1944 De la vallée de la Seine au Vexin
Paris est en insurrection. Près de Mantes, les Américains lancent une tête de pont sur la Seine à Limay. La 79ème Division d’Infanterie US fait des reconnaissances jusqu’en Arthies, sur la route de Magny-en-Vexin, et la population française se croit libérée, les mairies pavoisent, les résistants se font photographier avec drapeaux et brassards, tiraillant sur les Allemands qui décampent. On chasse les collabos.
Mais c’était sans compter sur le 1er Corps blindé S.S. du Gruppenfurher Keppler qui reçoit le 22 Août le commandement du front de la Seine de Vernon à Meulan. Déjà, la 49ème Luftwaffe felddivision a contre attaqué Limay et repris Les Mureaux. Keppler reçoit l’ordre de lancer une nouvelle attaque à Mantes pour rejeter les Américains. Sur la droite, la 49ème Division d’Infanterie se prépare à Drocourt ; à gauche, la 18ème Division de la Luftwaffe maintient ses positions et attend un renfort de la 6ème division parachutiste aux prises avec les parisiens. Le 4ème régiment d’artillerie de parachutistes installe son PC aux abords de Limay. Sur les arrières, les SS font la chasse aux partisans qui ont attaqué les transports allemands en retraite quelques jours auparavant : prises d’otages, exécutions à Charmant.
Le chef du 1er Panzer Korps installe son Etat-major à Chaumont-en-Vexin le 23 Août. Il examine la situation avec le Général Macholz. La 49 D.I. fient la rive droite du fleuve, de la boucle des Andelys jusqu’au méandre de la Roche Guyon, Lavacourt et les hauteurs de Drocourt, avec deux régiments en ligne et un autre en réserve ; au centre, la 18ème Division de la Luftwaffe et quelques unités parachutistes de la 6ème Division qui commencent à sortir du guêpier de Paris. Les Allemands se ressaisissent et renforcent le front de la Seine après le départ précipité des fonctionnaires d’occupation.
Les Alliés sont sur la rive gauche de la Seine, de la boucle des Andelys/Vernon jusqu’au méandre de la Roche Guyon où une tête de pont US a été repoussée avec succès par l’artillerie allemande.
Le Général SS Keppler précise leur mission aux commandants d’unités pour l’attaque qui aura lieu le lendemain 24 Août.
Au soir du 24, les Allemands s’ébranlent de chaque côté de l’axe de la route de Magny-en-Vexin, la 49ème Division d’Infanterie équipée d’armes antichars et canons de Flak 20 mm déferle sur Limay, les artilleurs parachutistes balayent la ligne du front et progressent sur Fontenay-Saint-Père. Ils atteignent rapidement la ligne Guitrancourt-Gargenville-Rangiport. A Saint Martin La Garenne, les Allemands sont stoppés par un lourd feu défensif des Américains dont les blindés rôdent, menaçant sur les côtés les pointes de l’offensive allemande.
Parmi la population française, c’est la stupeur : « Les Allemands reviennent ! » A Gargenville, Juziers, Meulan, les Allemands repassent la Seine.
Aux Mureaux, les résistants qui étaient en train de se faire photographier devant la mairie fuient en désordre : on trouve des femmes tondues. « Qui a fait ça ? » demandent les Allemands très nerveux qui, depuis Meulan avaient essuyé des tirs. Les femmes ne dénoncent personne et s’interposent à la répression : attitude d’autant plus courageuse que les « épurateurs » étaient bien souvent ceux-là même qui avaient construits durant toute la guerre des Messerschmitts pour l’occupant à l’usine Nord-Aviation…
Une trentaine de personnes sont raflées et gardées dans les locaux d’une serrurerie, rue Paul Doumer.
Pourtant, hier encore, les Américains étaient arrivés de Flins avaient distribué des cigarettes et chewing-gum, mais c’était seulement des unités de pointe du « combat commandant R » de la 5ème Division blindée US qui avait pour mission de reconnaître les berges de la Seine entre les Mureaux et Poissy.
Malgré le commandement des SS, la contre-offensive allemande s’est embourbée et n’a pu rejeter les Américains de la Seine. Il aura manqué l’appoint de la 6ème Division parachutiste bloquée dans Paris et repliée à travers la banlieue. Par ailleurs, une mauvaise coordination avec la 17ème Division de la Luftwaffe et la 1ère SS Panzer sortie durement éprouvée de la bataille de Normandie ne peut apporter l’appui escompté. Il est vrai que les Allemands n’ont pas eu le temps de se remettre des deux mois de combats en Normandie : sans compter l’anéantissement de la poche de Falaise et la perte de leur matériel lourd de l’autre côté de la Seine, les Américains ayant bombardé et détruit tous les ponts. Exsangues, épuisés, pauvres en essence et munitions, ils n’ont plus les moyens de s’imposer face au déferlement ininterrompu du matériel américain depuis les ports artificiels d’Arromanches.
Pourtant le Général SS Georg Keppler ne s’avoue pas vaincu et amène une nouvelle attaque pour le lendemain sur Mantes grâce à l’arrivée de la 6ème Division parachutiste qui est annoncée incessamment. De plus, on apprend une nouvelle inattendue : les Américains abandonnent l’attaque sur Limay et font demi-tour. Oui, mais c’est pour mieux forcer les passages plus à l’Est : Les Mureaux, Poissy et le front de la 45ème Panzer Division qui se dégrade entre Pontoise et Paris. L’offensive prévue est mort-née.
Le demi-échec de la contre-offensive allemande a eu pour conséquence un renforcement de l’opposition au débouché de la tête de pont américaine de Limay. Ces derniers ne cherchent pas l’affrontement à tout prix et reportent leurs efforts plus à l’Est où le front allemand n’est plus constitué suite à la chute de Paris et à l’évacuation des services allemands dans le désordre.
Aux Mureaux, repoussé momentanément le 22 Août par la 18ème Division de la Luftwaffe: les Américains y reviennent finalement le 27 et passent la Seine sur des pontons. Ils perdent un char à Meulan et progressent sur Condécourt et Longuesse, région défendue par l’artillerie des paras de la Luftwaffe qui leur détruit plusieurs chars. Le XVème corps US se retire de Mantes, y laisse la 79ème Division d’Infanterie et fait marche à l’Est sur Poissy. À Magnanville, au PC du XVème Corps US. le général Haislip ordonne à son collègue Lusford de faire mouvement sur la Mauldre au Nord de Beynes en liaison avec le 106ème Calvary Group qui doit foncer sur Poissy pour interdire le passage du fleuve aux Allemands.
Le 25 Août, les Américains sont à 20 kms de Versailles dans le secteur Thivernal-Orgeval. Paris est libéré par la 2ème DB et les Alliés y volent aussi leur part de gloire- Désormais, les Allemands battent en retraite stratégiquement sur le Nord de la France.
A Sagy, un soldat Allemand d’origine soviétique (Vlassov) s’empare du vélo neuf de Germain Liberpré de Meulan et lui laisse en échange une vieille bicyclette.
A Mantes, la population compte ses morts et contemple la ville dévastée par les bombardements hasardeux des dernières semaines. Mantes aura chèrement payé sa libération.